Bullshit Ent

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mardi 3 mars 2015

Birdman - Alejandro Iñarritu

Bonsoir bonsoir,  voici le dernier article de Bullshit Ent avec bel et bien deux jours de retard, c'est magnifique on l'applaudit.

En parlant d'applaudissements, vous n'avez pas pu échapper aux deux évènements cinématographiques des dernières semaines : les Césars, et les Oscars.
Il serait facile et judicieux de commenter ces deux cérémonies tout à fait respectables et parfois même pertinentes.
Mais non, nous ne le ferons pas. Pourquoi ? Parce que j'ai la flemme voilà pourquoi.

À la place on va plutôt parler du film grand gagnant des Oscars : le fameux Birdman d'Alejandro Inarritu.

MISE AU POINT

Iñarritu c'est un cinéma très particulier. Et d'ailleurs c'est d'un tel niveau de personnalité et de perfectionnement que j'estime ne pas avoir le niveau pour l'appréhender et le commenter.
Vous avez peut-être encore en tête les puissants Babel et 21 grammes, et c'est normal, le réalisateur a su mettre un souffle prenant dans ses films qui, bien qu'il n'aient plu à tout le monde, ont eu le mérite de faire réellement du cinéma : c'est à dire raconter une histoire, faire ressentir des choses, et transmettre une idée ou un message.
Autrement dit Iñarritu c'est du lourd : son film Birdman lui a d'ailleurs valu les Oscars du meilleur film, meilleur scénario original, et meilleur réalisateur.

DU LOURD je vous le dis.

MISE AU POINT

Birdman est une oeuvre à ne pas mettre entre toutes les mains, l'univers d'Iñarritu est déjà sincèrement dur à comprendre et analyser, mais avec ce dernier film le réalisateur semble briser les limites et les codes mêmes de son propre monde.
Birdman est d'ores et déjà intemporel tout simplement parce qu'il change en vérité le rapport du film à lui même et à la façon de concevoir le cinéma.
Je ne dis pas que Birdman est bon ou même un chef d'oeuvre, mais c'est sans nul doute une véritable oeuvre originale d'un tout nouveau genre et chargée en matière que nous présente ici Iñarritu.

Déjà la réalisation est extrêmement singulière : il ne vous aura pas échappé dans les critiques que le film est constitué d'un seul plan séquence en temps plus ou moins réel, la caméra ne coupe jamais et vous suivez les personnages un à un, la caméra change de cible dans les couloirs, passe par des recoins, bref : la caméra ne coupe pas.
Le premier effet de ce choix exceptionnel de réalisation est de créer une tension tout au long du film, un certain effet de fatigue, ainsi qu'un degré d'urgence progressivement croissant. Trois éléments d'ambiance omniprésents dans ce film. L'histoire prend ainsi une ampleur de plus en plus lourde, les faits évoqués deviennent de plus en plus importants, mais ne semblent jamais arriver, la connexion entre le spectateur et les personnages et l'univers du film est directe.
Bien sûr, le plan séquence ne saurait se résoudre à cette utilité d'ambiance et trouve un certain sens narratif : la notion du temps est vite perdue au cours de ce plan-film, et l'intrigue se déroule sans s'arrêter sans se terminer, ce qui est un écho à la situation du personnage principal qui ne voit jamais son calvaire se terminer, là aussi la sensation est transmise au spectateur.
Autre choix narratif : les plans serrés. On a l'impression que la caméra touche les personnages, ne leur laissant jamais d'intimité. On les suit dans chaque instants de leurs vies, au point d'en devenir étouffant. Seules les scènes sur les planches du théâtre semblent vaguement échapper à cette règle, seul instant où les personnages sont dépossédés de leur propre personnalité.
Bon, pas la peine de broder pendant des jours : Iñarritu a fait un travail mémorable dans sa réalisation. Elle est extrêmement soignée et rien n'est laissé au hasard, tout est en accord parfait avec le scénario.
Je mentionne tout de même la musique à base de percussion et de cymbales répétitives et persistantes qui participe à la création de l'ambiance exigüe également.

Parlons-en du scénario. On nous raconte ici les mésaventures de Riggman Thomson, ancien acteur hollywoodien du blockbuster "Birdman" qui veut retenter sa chance de manière plus sincère en interprétant une pièce de Raymond Carver à Broadway. Il est cependant hanté par le spectre de son passé et tout les intervenants de sa vie et de la pièce semblent l'empêcher de progresser.
Bon, le scénario est très bien mené, en plus d'être original. Il vaut son pesant culturel et rehausse le niveau du cinéma américain de ces dernières années. C'est d'ailleurs très intéressant de constater une mise en abîme particulière : au final on regarde des acteurs, jouer des acteurs, jouer des personnages de théâtre.
Cependant je ne vais pas m'attarder sur la valeur du scénario plus que ça maintenant, j'y reviendrais plus tard.

Concentrons-nous sur les acteurs. Le film est porté par Michael Keaton, connu pour avoir incarné... Batman, dans le film de Tim Burton. Keaton interprète ici un personnage névrosé et désemparé, en proie à une crise existentielle profonde dont il n'accepte pas tout les tenants et les aboutissants. Énergétique et arborant tout au long du film un air épuisé au bord du claquage, Keaton est toujours juste et n'en fait jamais trop. Bravo.
À côté de lui vient se hisser Edward Norton, un acteur polyvalent, qui joue ici... un acteur talentueux mais qui en fait trop. C'est l'exact opposé du personnage de Michael Keaton : toujours plein d'assurance, agressif, ridicule dans sa recherche de la perfection, et pourtant rongé discrètement par la peur et le mensonge. Là aussi, Norton livre un jeu tout à fait remarquable. Bravo.
Ensuite arrivent Emma Stone et Zach Galifianakis qui jouent des personnages secondaires risibles et orientés. Là aussi il faut applaudir leurs prestations très appréciables.

Que retenir de Birdman alors ? Et bien on arrive.
Je n'arrive toujours pas à savoir si Birdman est un réquisitoire contre le cinéma hollywoodien grand budget, qu'il tourne en ridicule et qu'il insulte fréquemment, ou contre le monde du théâtre dont il dépeint des personnages arrogants et irrascibles, trop occupés à détester les oeuvres populaires pour se rendre compte de leur propre décadence.
En fait je veux croire que le film lutte contre ces deux tendances et fait l'apologie discrète mais perceptible d'une forme d'art cinématographique ou théâtral avec une démarche sincère et profonde. Car c'est bien de ça qu'il est question : d'un homme amoureux de la littérature qui est comprimé entre son passé d'acteur de blockbuster et devant la haine et le dédain que lui voue le monde du théâtre.
Et que faire de ce casting si particulier : l'ancien Batman joue Birdman, l'acteur polyvalent méconnu joue le pédant talentueux, la jeune étincelle des médias joue la fille surconnectée qui méprise ce monde archaïque, et l'acteur jovial running gag jouant le seul individu responsable mais obsédé par le succès. En vérité le film pose la question du lien entre les acteurs et le réalisateur à leur oeuvre et tout, dans le film, semble y faire écho.
Le film n'est pas remarquable par sa qualité, il est remarquable pour son rapport au cinéma et sa bienveillance à l'égard de la démarche artistique.
Et c'est bel et bien pour ça que Birdman a gagné tout ces Oscars : il questionne le public comme il harponne hollywood et le met face à lui même.

Birdman au delà d'un grand film, c'est une promesse d'une volonté du cinéma américain de se renouveler et je veux bien parier que le futur Nouvel Hollywood n'est plus si loin désormais.

CONCLUSION

Bon sur ce, je conclus cette critique qui n'en est pas vraiment une. J'ai conscience d'avoir été extrêmement subjectif sur ce coup mais je maintiens qu'il ne faut pas voir le film juste pour voir un bon/mauvais film mais bien pour comprendre une oeuvre.
À voir s'il vous intrigue, si vous ne le sentiez pas à la base, passez votre chemin !

Bonne soirée et bonne séance !

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